13.06.2016

"Brexit : les racines d'un référendum dangereux" par Jean Dionis

Nos amis Britanniques votent - dans deux semaines - le 23 juin sur une éventuelle sortie de l’Union, le « Brexit ». Les instituts de sondage annoncent un résultat très serré et une victoire des partisans de la sortie de l’union Européenne n’est plus à exclure.

En tant que militants politiques et, à plus forte raison, en tant que militants centristes, pour qui l’engagement pro-européen fait clairement partie de notre ADN politique, nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre, hébétés, la victoire du « Brexit ». Nous devons impérativement comprendre l’évolution de l’opinion publique par rapport à la réalité européenne pour, ensuite, identifier les carences de l’Union européenne par rapport à nos vies quotidiennes et au final rebâtir un nouveau projet populaire.

Plutôt que de vivre ce référendum britannique comme potentiellement une catastrophe de plus dans le contexte d’une actualité passablement déprimante,  il est urgent, pour nous pro-européens, de l’accepter comme un révélateur de l’état de santé de la construction européenne.

Comme dans tout bilan de santé sérieux, cela commence par une radio, une photo de l’existant. Or, l’opinion des Français sur la Construction Européenne - et plus largement celle des européens - n’est ni bonne, ni optimiste.  Une nouvelle enquête d’opinion menée par le Pew Research Center dans dix pays européens montre que l’euroscepticisme n’est pas l’apanage des Anglais. Et qu’il est en train de grimper un peu partout, surtout chez les citoyens les plus âgés.

Lorsque Pew demande aux sondés s’ils sont favorables ou non à l’Union européenne, ce sont les Grecs qui sont les plus sévères dans leurs réponses, mais ils ont certes quelques raisons d’être agacés : 71% ont une opinion défavorable à l'UE. La France arrive juste derrière la Grèce : 61% d'opinions défavorables. En revanche, surprise, le Royaume-Uni, avec 48% d’opinions défavorables, est au même niveau que l’Allemagne ou l’Espagne. Parmi les 10 peuples sondés, les plus "pro-européens" sont les Polonais : 72% ont des opinions favorables à l’UE, seulement 22% des opinions défavorables. 

Les opinions favorables des Français sont passées en 12 ans de 69% à 38%, ce qui représente une chute vertigineuse, directement en relation avec  la percée électorale du Front National chez nous. L'opinion des Allemands, quant à elle, est plus stable : les « opinions favorables » sont passées de 58% à 50%.

Voilà pour l’opinion. Pas franchement réjouissant et pas étonnant que, sur ce terreau, le référendum britannique s’annonce serré.

L’analyse de cette radiographie Européenne est elle aussi assez limpide. La réalité de la construction Européenne se résume simplement en quatre réalisations :

  1. L’Europe actuelle, c’est un marché Unique et un espace de libre circulation des biens et des personnes.
  2. L’Europe actuelle, c’est un espace juridique commun dans lequel le droit Européen prime et alimente le droit national.
  3. L’Europe actuelle, c’est un espace de solidarité commune par l’intermédiaire de programmes européens financés par des contributions nationales.
  4. Enfin, L’Europe, pour 19 de ses membres, c’est une monnaie commune : l’Euro.   

Selon ses convictions politiques, chacun peut estimer cet acquis européen considérable, respectable ou méprisable. Reste une réalité politique qu’il faut regarder en face.

Dans les pays les plus riches de l’Union Européenne (France, Grande-Bretagne, etc.), à chaque fois que l’on donne la parole au peuple sur l’Union européenne (référendum 2005 en France, référendum Britannique en 2016), un vote de « classe » terrifiant se met en place : plus les citoyens sont qualifiés et riches, plus ils sont pro-européens, plus ils sont pauvres et sans qualification professionnelle et plus ils sont anti-Européens. Le référendum du 23 Juin n’échappera pas à cette coupure « de classe ». La riche Londres votera « remain » ; ses banlieues populaires et leurs quartiers voteront « leave ».

La lecture politique des motivations de ce vote de classe est limpide. Les classes populaires des riches pays Européens vivent l’Europe comme une porte ouverte de la mondialisation et comme une menace directe contre leurs emplois et leurs acquis sociaux.

Les classes plus favorisées vivent au contraire l’Europe comme une véritable avancée et une opportunité pour leurs parcours personnel.

Nous ne sortirons de cette spirale dangereuse – voire à terme mortelle – pour l’Union européenne qu’en mettant à nouveau en chantier un projet européen qui réponde aux aspirations populaires de nos pays : emploi, protection sociale, sécurité intérieure.        

Or ce projet est cruellement absent aujourd’hui et en aucun cas, il ne peut être porté par un ensemble aussi hétérogène que celui formé par les 19 pays de la Zone Euro.

Le chemin vers un tel projet européen se dessine déjà dans la pensée de rares hommes d’Etat comme Valéry Giscard d’Estaing.

Selon eux, l’Europe devra se réorganiser en trois cercles concentriques :

  • un premier cercle « politique » de pays acceptant la perspective d’une Europe fédérale et celle d’une intégration sociale et fiscale : qui pour ce premier cercle ? L’Allemagne et la France seules ? Les 6 pays fondateurs de l’Union européenne ?
  • un deuxième cercle correspondant aux pays de la zone Euro (19 pays) acceptant les politiques économiques et budgétaires communes exigées par la monnaie unique
  • un troisième cercle (les 29 pays de l’Union) pour le marché et le droit communs Européens

Vaste chantier! Souriront les sceptiques. Peut-être, mais l’avenir de la formidable avancée politique que fut l’Europe est sans doute dans cette direction. Le 23 Juin de nos amis britanniques peut aussi être catalyseur de cette perspective.

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